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L'Astrée et la tapisserie
L'Astrée et la tapisserie brugeoise
Au XVIIe siècle, la tapisserie brugeoise est l’une des plus appréciées et des plus raffinées. Les ateliers produisent pour les églises et couvents de la ville, mais aussi pour des commanditaires étrangers, tout particulièrement pour la France. Parmi les sujets profanes illustrés dans les ateliers de Bruges, deux séries de tapisseries s’inspirent de l’Astrée. L’une, au dessin plus minutieux et soigné, est exécutée dans des teintes contrastées où les ors et rouges dominent. L’autre, tissée de façon plus grossière dans des teintes pastel fut commandée par la famille brugeoise Parmentier. Elle est aujourd’hui conservée à Anvers au Musée van den Bergh.
Les deux séries de tapisseries portent sur la bordure latérale droite la marque de la ville de Bruges. Leur bordure ornée de médaillons, de vases sur socles et de têtes de lion est similaire à deux tentures (la Tenture de Psyché conservée au Crédit Communal de Bruges et une autre faisant partie de la suite La Vie de Marie conservée à l’Hôpital de la Poterie) que les spécialistes datent des années 1640-1650. Il est donc fort probable que les tapisseries de l’Astrée leur soient contemporaines.
Le plus souvent, les artistes ont inventé des cartons originaux. Pourtant, quelques pièces font exception. Contrairement à ce qui est encore admis, certaines tapisseries s’inspirent d’un modèle gravé. À la manière, des faïenciers de Nevers ou de Marseille, les liciers puisent dans le répertoire iconographique imaginé par Daniel Rabel en 1632, comme le prouvent les tapisseries Céladon discute avec Léonide et Silvie (localisation inconnue) et Adamas réunit Céladon et Astrée (localisation inconnue).
Bibliographie :
G. DELMARCEL, La tapisserie flamande du XVe au XVIIIe siècle, Paris, 1999, pp. 268-277.
(Cat. de l’exp.), Bruges et la tapisserie, (sous la dir. de G. Delmarcel et E. Duverger), Bruges, musée Gruuthuse et musée Memling, n° 46-52, pp. 276-401.
A. DESPRECHINS, « Images de l’Astrée : étude de la réception du texte à travers les tapisseries », Revue d’histoire littéraire de la France, 1981, pp. 355-366.
A. DESPRECHINS, « L’Astrée dans les tapisseries flamandes et brabançonnes », Artes Textiles, 1981, n° 10, pp. 193-202.
A. DESPRECHINS, « Suite de tapisseries inspirées par l’Astrée provenant de l’abbaye de Baudeloo », La Maison d’hier et d’aujourd’hui, De woonstede door de Eeuwen heen, n° 46, juin 1980, pp. 26-41.
A. DESPRECHINS, « Deux sensibilités en harmonie au début du XVIIe siècle : pastorale française et tapisseries flamandes », La Maison d’hier et d’aujourd’hui, De woonstede door de Eeuwen heen, n° 40, décembre 1978, pp. 31-49.
L'Astrée et la tapisserie de la Marche
Bien avant que les ateliers d’Aubusson ne deviennent par l’édit de Colbert manufacture royale, les liciers de la Marche avaient acquis une certaine renommée. Leurs tentures tissées de la laine des moutons d’Auvergne présentaient en effet la particularité d’être meilleur marché que les pièces à fils de soie venues de Paris ou des Flandres, et surtout d’offrir à une clientèle érudite un répertoire d’histoires très vaste et sans cesse renouvelé.
Durant le second tiers du XVIIe siècle sortent ainsi d’ateliers installés à Aubusson et Felletin, des illustrations d’après l’Aminte du Tasse, le Pastor Fido de Guarini, la Mariane de Tristan l’Hermite, l’Ariane de Desmarests de Saint-Sorlin, La Pucelle ou la France délivrée de Chapelain, Artamène ou Le Grand Cyrus de Madeleine de Scudéry, La Diana de Montemayor, La Jérusalem délivrée du Tasse, le Roland furieux de l’Arioste, l’Histoire de la Reine Zénobie mise à la mode par Calderón, l’Argenis de Barclay et, très peu de temps après la parution du roman, d’après L’Astrée d’Urfé.
Pour constituer cet extraordinaire répertoire, les artisans faisaient appel à des peintres, dont le plus illustre était Isaac Moillon, et eurent recours à la gravure. Mais il leur arrivait par ailleurs de miser sur l’imagination de leurs artisans, comme ce fut manifestement le cas pour L’Astrée. À l’exception d’une pièce inspirée des gravures de La Diana de Montemayor, les tapisseries de L’Astrée ont toujours un dessin original, ce qui n’est pas le cas pour les tapisseries en provenance de Bruges.
Le pari audacieux des dessinateurs fut manifestement couronné de succès. Plusieurs dizaines de pièces nous sont parvenues d’après le roman alors que la conservation de ces œuvres est loin d’être une évidence. Trop longtemps mésestimées des collectionneurs et des institutions, de très nombreuses tapisseries ont en effet dû disparaître au gré des ventes, lorsque L’Astrée et la tapisserie d’Aubusson n’étaient plus à la mode.
Bibliographie
P.-F. Bertrand, D. & P. Chevalier, Les Tapisseries d’Aubusson et de Felletin, 1457-1791, Paris, S. Thierry/Lausanne, La bibliothèque des arts, 1988.
Catalogues d’expositions
Poésie, roman et tapisserie, XVe siècle-XVIIIe siècle, sous la direction de Martine Mathias, Aubusson, Musée départemental de la tapisserie, 1984.
Tapisseries anciennes en Rhône-Alpes, sous la direction de M.-D. Nivière, Bourg-en-Bresse, musée et église de Brou, Montélimar, château des Adhémar; Roanne, Musée Déchelette, 1990.
Isaac Moillon, 1614-1673: un peintre du roi à Aubusson, sous le commissariat de Michèle Giffault, Paris, Somogy/Aubusson, Musée départemental de la tapisserie, 2005.