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L’illustration de l’édition de 1632-1633

Une galerie de papier

L’édition illustrée des cinq parties de L’Astrée publiée par les libraires parisiens Augustin Courbé et Antoine de Sommaville en 1632-1633 paraît au moment où les motifs romanesques triomphent dans les arts décoratifs, quand hôtels particuliers et résidences suburbaines se couvrent en France de sujets empruntés à la littérature profane. C’est aussi l’époque où les coûteuses éditions de romans et d’épopées illustrées de gravures en taille-douce se multiplient: les principaux libraires parisiens n’hésitent pas à faire appel à des maîtres de la peinture comme Eustache Vignon pour l’invention des compositions, de grands graveurs comme Abraham Bosse ou François Chauveau pour leur traduction sur les planches de cuivre à imprimer. De tels livres deviennent, à la mesure de leur format, l’équivalent des galeries architecturales décorées de cycles narratifs peints sur leurs parois. Ainsi L’Astrée de 1632-1633 n’est pas seulement une nouvelle édition du roman: c’est aussi la galerie de l’histoire d’Astrée et Céladon, dans le prolongement des galeries peintes qu’on avait pu consacrer au siècle précédent à des épisodes célèbres du Roland furieux de l’Arioste ou au roman hellénistique de Théagène et Chariclée.

L’illustration du récit: Daniel Rabel et ses collaborateurs

Pour illustrer L’Astrée, les libraires Courbé et Sommaville ont choisi de disposer une planche gravée en taille-douce en tête de chacun des douze livres de chacune des cinq parties du roman: c’était reprendre le dispositif traditionnellement utilisé pour l’illustration des grandes épopées depuis le programme réalisé en Italie à la fin du XVIe siècle par Bernardo Castello pour la Jérusalem délivrée du Tasse. Cette entreprise aboutissait à un ensemble iconographique très ambitieux, puisque l’illustration du récit de L’Astrée proprement dit exigeait dès lors d’exécuter non moins de soixante-dix planches. Chacune pouvait au demeurant réunir dans son espace étroit l’illustration de différents moments, en juxtaposant dans une unique image de frontispice une suite d’épisodes contenus dans une même séquence narrative, selon un principe dont l’illustration de Castello pour les chants de la Jérusalem délivrée fournissait également le modèle.

Les deux libraires ont principalement fait appel à Daniel Rabel (1578-1637), qui disposait d’une réputation établie de peintre, de dessinateur de costumes de ballets et d’illustrateur. Il avait en particulier réalisé peu auparavant une suite de planches dans le genre pastoral pour L’Aminte du Tasse (1631-1632), ainsi qu’une autre suite sur des épisodes de la première partie de L’Astrée, publiées par l’éditeur en taille-douce Melchior Tavernier (1632). Pour la première partie de l’édition de 1632-1633, l’artiste s’est inspiré du travail qu’il avait déjà accompli et l’a complété pour les quatre parties suivantes. Selon les notes laissées au XVIIIe siècle par l’historien Pierre-Jean Mariette, Rabel réalisa ainsi soixante-trois dessins pour cette édition (dont onze étaient repris de la suite Tavernier) et aurait en outre gravé lui-même «presque tout ce qui s’y trouve de paysage». Dans ces compositions, Rabel se montre fidèle aux canons esthétiques de la seconde école de Fontainebleau, celle de la fin du XVIe siècle: à la manière d’Ambroise Dubois, de Toussaint Dubreuil, de Guillaume Dumée, il privilégie la dimension narrative de la représentation figurée.

Les planches portent parfois la signature de Rabel accompagnée de celles des graveurs Michel Lasne (initiales ML), qui fut son élève, et Charles David (initiales CD), parfois elles ne portent que la signature de Lasne, parfois n’en portent aucune. Il est en tout cas manifeste que Rabel n’a pas réalisé l’intégralité des dessins de cet ensemble esthétiquement inégal: sa manière ne se retrouve notamment pas dans plusieurs planches anonymes, d’une facture beaucoup plus médiocre.


1. Première partie

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2. Seconde Partie

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3. Troisième partie

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4. Quatrième partie

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5. Conclusion et dernière partie

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L’illustration liminaire

1. le frontispice

Frontispice

Frontispice

Les parties liminaires qui précèdent le roman sont illustrées de quatre gravures, qui portent ainsi à soixante-quatorze le nombre total des planches mobilisées pour cette édition. À la différence des illustrations du récit, elles sont étroitement dépendantes de modèles plus anciens, qui remontent à l’édition originale de la troisième partie du roman, publiée à Paris en 1619 par les libraires Toussaint du Bray et Olivier de Varennes.

La première des planches liminaires est le frontispice général du roman, gravé en 1632 par Pierre Daret d’après une composition de Rabel. Il est répété en tête de chacune des cinq parties. Son dessin s’inspire directement du frontispice gravé en 1619 par Léonard Gaultier. L’originalité de ce dernier était de placer au centre de la composition, entre les deux figures d’Astrée et de Céladon, le cours sinueux du Lignon, esquisse d’une «carte de Tendre» avant la lettre.La première des planches liminaires est le frontispice général du roman, gravé en 1632 par Pierre Daret d’après une composition de Rabel. Il est répété en tête de chacune des cinq parties. Son dessin s’inspire directement du frontispice gravé en 1619 par Léonard Gaultier, qui lui-même s'était inspiré de l'encadrement gravé qui ornait la page de titre de l'édition du Pastor Fido de Guarini au format in-4° publiée en 1600 à Venise, par Ciotti : la gestuelle respective d'Astrée et de Céladon est identique à celle de Mirtillo et d'Amarilli et leur position face à face également. Mais l’originalité du frontispice de 1632 était de placer au centre de la composition, entre les deux figures des amants, le cours sinueux du Lignon, esquisse d’une «carte de Tendre» avant la lettre.
Cela s’expliquait en 1619 par le fait qu’Urfé avait rédigé pour sa troisième partie une épître liminaire à la rivière de Lignon; mais à partir de l’édition des trois premières parties du roman publiée en 1630 ou 1631 par les frères de La Coste à Paris, cette image s’est imposée comme frontispice général, voire générique, de l’œuvre entière. Elle emporte avec elle une compréhension de la matière pastorale du roman comme poétique du lieu ou, selon la belle formule de Michel Chaillou, « sentiment géographique ».

2. les portraits

Portrait d'H. d'Urfé

Portrait d'H. d'Urfé

Portrait d'Astrée

Portrait d'Astrée

Portrait de Baro

Portrait de Baro

Les planches liminaires qui complètent le frontispice consistent en trois portraits de la bergère Astrée, d’Honoré d’Urfé et de son secrétaire et continuateur Balthazar Baro. Ceux d’Astrée et d’Urfé sont répétés en tête des quatre premières parties; en tête de la cinquième figurent ceux d’Astrée et de Baro, rédacteur de la conclusion posthume du roman.

L’association des deux portraits d’Astrée et de l’auteur n’est pas une innovation des libraires Courbé et Sommaville: comme pour le choix du frontispice à l’image du Lignon, elle relève d’une tradition inaugurée en 1619 par l’édition originale de la troisième partie du roman. Mais le diptyque des portraits appartient dans son principe à une tradition beaucoup plus ancienne et lourde de sens: il fait en effet écho à la fois au double portrait de Ronsard et de Cassandre qui figurait au XVIe siècle en tête des éditions des Amours du poète de la Pléiade et, avant même Ronsard, au double portrait de Pétrarque et Laure qu’au XVIe siècle également on imprimait fréquemment en tête des éditions du Canzoniere du poète italien. La forme des portraits en diptyque de l’auteur et de sa muse tend ainsi à inscrire naturellement le romancier Urfé dans la lignée héroïque des poètes laurés et à l’installer sur un Parnasse discrètement suggéré par la mémoire de l’image.